La Joueuse de Go, Shan Sa
1. Présentation succincte et précise de l’auteur :
Shan Sa (née Yan Ni le 26 octobre 1972 à Pékin, Chine) est une écrivain française d'origine chinoise. Née de parents intellectuels et poussée par sa mère, dès son plus jeune âge elle écrit et publie des poèmes. À 12 ans, elle obtient le premier prix du concours national de poésie des enfants. Après des études secondaires à Pékin, elle passe en 1990 l'équivalent du baccalauréat en France. « Après l’événement Tian An Men, j’ai choisi de renaître en France. » En août 1990, elle quitte donc Pékin pour Paris grâce à une bourse du gouvernement français. Elle s’y installe, adopte la langue française et passe le bac en 1992. En 1994, elle termine ses études de philosophie. « Je sais que chaque roman est une marche jetée dans cette infinie élévation vers la perfection d’une langue. ».
De 1994 à 1996, elle est secrétaire du peintre Balthus. Setsuko, la femme de Balthus, l'initie à la civilisation japonaise. Elle apprend la cithare, le go, la calligraphie ainsi que l'art de l'épée.
C'est avec son troisième roman, La Joueuse de go, qu'elle fait véritablement son apparition au premier plan de la scène littéraire française : La Joueuse de go obtient le Goncourt des Lycéens 2001 et passe la barre des 100 000 exemplaires vendus.
2. Résumé du livre :
Le roman fait alterner de courts chapitres, comportant quelques pages au maximum, reproduisant alternativement le point de vue de deux narrateurs. Construit comme une partie de Go (chacun des protagonistes a droit à un chapitre, de même que, au Go, chaque joueur joue à son tour), le roman décrit l’affrontement, dans la Mandchourie occupée des années 1930, d’une jeune chinoise et d’un officier japonais. Tout oppose les deux personnages, et le récit lui-même installe cette hypothèse : « Là-haut, un dieu affronte une déesse en bousculant les étoiles. » Le masculin et le féminin semblent destinés à se combattre, à l’instar de la Mandchourie et du Japon, des noirs et des blancs sur le Go ban.
Diverses intrigues amoureuses et militaires viennent troubler le récit principal, l’amour impossible d’un japonais et d’une chinoise. L’affrontement et la trahison sont au cœur du récit. La quête de liberté est vaine, la réalité oppresse.
Après s’être affrontés tout au long du récit, le lieutenant et la joueuse s’entraînent l’un l’autre dans la mort, dans une configuration que rien ne laissait présager. A la dualité occidentale du bien et du mal, du vainqueur et du vaincu, s’oppose la stratégie orientale de l’encerclement. Le dénouement du roman emprunte donc la forme particulière, caractérisée par l’oblique et le motif de la spirale, du jeu de Go. Le Go structure le roman et en régit les significations.
3. Enjeux majeurs de ce texte littéraire :
Au-delà-de l’histoire individuelle et touchante d’une jeune fille et d’un jeune homme issus de pays ennemis, destinés à s’aimer sans se le dire et à périr l’un par l’autre, le roman, nourri de différentes cultures, limpide mais complexe, simple mais profond, peut faire l’objet de multiples lectures.
La structure du roman reflète la partie de Go, les récits des personnages ne fonctionnent que l’un par rapport à l’autre, de même qu’au Go les blancs et les noirs n’existent que pour l’affrontement, et non pour eux-mêmes. Il s’agit donc d’une lecture métaphorique, au cours de laquelle l’affrontement se résout dans le dessin d’ensemble.
Mais une lecture historique est également nécessaire : dans ce roman, destin individuel et destin national se répondent et se représentent mutuellement. On observe un parallèle entre le Go et la stratégie militaire, entre la partie jouée et la réalité historique de la guerre. Les péripéties survenant aux personnages du roman coïncident avec l’Histoire et annonce le dessin global : la mort de la joueuse et du soldat préfigure, en quelque sorte, l’issue tragique pour le Japon et la Chine de cette guerre sanglante.
4. Extraits de critiques pertinentes selon vous :
« Exigeant pour triompher de son adversaire un subtil mélange d'habileté et de ruse, le jeu de go chinois symbolise à lui seul toute la stratégie guerrière employée par les armées combattantes quand elles décident d'encercler l'ennemi avant de le mettre à mort. Si Shan Sa, écrivain de langue française née à Pékin en 1972, nous présente dans son nouveau roman les principales composantes de cet art du mensonge, sa puissante fiction s'impose comme une sorte de parabole narrative sur les souffrances endurées par tous les peuples victimes de la barbarie. »
La joueuse de go, par Jean-Rémi Barland, pour L’Express Culture (Lire), publié le 01/12/2001
« La Joueuse de go, d'une écriture maîtrisée et d'une construction audacieuse, distille un charme vénéneux. »
Shan Sa, la joueuse, par Gandillot Thierry, pour L’Express publié le 06/12/2001
5. Citations de l’auteur en lien avec la « francophonie » :
« Écrire en français c’était pour moi la meilleure façon de faire le pont entre la Chine et la France. […] Et j’espère que cette langue française est écrite de telle manière qu’à travers elle, on aperçoit ce qu’est la langue chinoise. C’est peut-être là ce qui fait le style de tous mes livres. »