Si le Grain ne Meurt, André Gide
Si le grain ne meurt est le récit autobiographique de l’écrivain français André Gide. Conformément avec la définition de Philippe Lejeune, il s’agit d’un « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle en particulier sur l’histoire de sa personnalité. ». Dès les premières lignes, les pronoms "je" et "me" ancrent le texte dans la subjectivité du narrateur, qui ici se confond avec l'auteur : c'est le principe de l'autobiographie. Ces premières phrases résonnent comme un pacte de lecture adressé à son lecteur, il y revendique une écriture au fil de la plume et de la mémoire. Ce n’est pas une autobiographie chronologique et ordonnée, il y traite bien de "mes souvenirs" mais "comme ils viennent, sans chercher à les ordonner", évoquant des raisons pragmatiques telles que la difficulté à se rappeler des faits éloignés.
Ecrit dès 1919 et publié en 1924, sous un titre qu’il emprunte au verset de l’Evangile de saint Jean : « Si le grain de froment ne meurt, après qu'on l'a jeté en terre, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit », Si le grain ne meurt exprime ainsi tout l’enjeu de la vie de Gide. "L'enfant obtus" qu'il reconnaît en lui-même, oppressé et paralysé par l'éducation puritaine et sévère de sa mère, doit mourir et céder la place au jeune homme épanoui, créatif et libre d'esprit, qu’il acceptera finalement de devenir. Relatant la vie de Gide depuis sa première enfance à Paris jusqu'à ses fiançailles avec sa cousine Madeleine Rondeaux (ici nommée Emmanuèle) en 1895, ce récit contient à la fois une confession et l’analyse de cette confession. La variété des aspects étudiés et la volonté de franchise du narrateur font de cette œuvre une vaste symphonie qui dépasse le cadre d’une simple autobiographie.
Le livre se divise en deux parties distinctes, d’ampleur inégale.
Dans la première, André Gide relate ses souvenirs d’enfance. Les premières années à Paris, Les "mauvaises habitudes" qu’il y prit, ses jeux, sa solitude. Il y parle également de ses précepteurs, insistant sur Anna Shackleton, gouvernante et amie de sa mère, avec laquelle il noua une relation particulière et tendre. Puis vient l’entrée difficile à l’Ecole Alsacienne, dont il ne tarde pas à être renvoyé pour "mauvaises habitudes", et qu’il fréquente finalement de façon discontinue. De par son éducation et sa famille, André Gide est au cœur des questions religieuses et des divergences entre foi catholique et protestante ; en grandissant il doit prendre un parti à son tour et cette question le tourmente. Parallèlement, naît sa vénération et son amour pour sa cousine Emmanuèle. En quittant l’Ecole alsacienne, il intègre le lycée Henry IV, où il rencontre Pierre Louÿs, qui deviendra l’un de ses plus chers amis. C’est alors qu’il commence à fréquenter les salons littéraires, tels que celui de Mallarmé et à écrire lui-même. Il découvre combien l’art et la musique peuvent influencer la littérature, et s’entoure des artistes de son époque. C’est la fin d’une enfance sombre et le début d’une vie nouvelle où devenu jeune homme André Gide s’épanouit enfin.
Dans la deuxième partie, bien plus brève que la précédente, Gide retrace sa découverte de l’amour du plaisir et du désir, ainsi que celle de son homosexualité lors d’un premier voyage en Algérie. A cette occasion, il y fait l’éloge de la pédérastie et certains épisodes de l’ouvrage, tels que la représentation minutieuse des scènes de débauche, peuvent choquer, voire scandaliser, un lecteur non averti. Néanmoins la relation d’André Gide avec sa cousine Emmanuèle ne prend pas fin et l’œuvre s’achève sur leurs fiançailles.
Quelques années plus tard, Gide fait le récit de l’échec total de sa vie conjugale avec Madeleine dans un autre récit autobiographique. Ecrit en 1938, peu après la mort de sa femme, et publié en 1951, il s’intitule Et Nunc Manet In Te.